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Mercredi 27 Février 2013

Magazine - Bruxelles au pluriel

De l’« Art Sociable » au cœur institutionnel de l’Union européenne

Pour le visiteur qui arrive pour la première fois à Bruxelles, le froid et le gris ambiant de ces derniers jours n’aident pas à améliorer l’image - souvent perçue à l’extérieur - d’une ville à l’atmosphère bureaucratique, en raison de sa fonction de siège institutionnel, et dépourvue des stimulations culturelles et artistiques propres à d’autres capitales. C’est, donc, pour démontrer la fausseté de ce stéréotype et mettre en évidence la vivacité qu’on peut trouver dans le tissu social de la ville, que cet entretien sera dédiée à une personne qui, pendant toute sa vie, a transformé en travail sa créativité, malgré les difficultés quotidiennes de l’artiste.

Par Angelo Tino


De l’« Art Sociable »  au cœur institutionnel de l’Union européenne
Blaise Patrix, 57 ans, est né à Paris et se définit un artiste « autodidacte ». « Je suis né dans une famille d’artistes », dit-il. « Mon père était peintre, comme mes deux frères. Nous avons des cousins écrivain,  graphiste et conteur. J’ai vendu ma première œuvre à 13 ans et réalisé ma première exposition quand j’avais 17 ans. Mon travail a été présenté depuis  en Afrique, en Europe, aux Etats-Unis, en Chine».
 
A 17 ans, le jeune peintre part en Afrique et y reste pendant environ 12 mois. « Maroc, qui était à l’époque le Sahara espagnol, Sénégal, Mali, Haute Volta devenu depuis Burkina Faso, Niger, Algérie. Le point culminant de ce voyage  se situant dans environ 90 jours à pieds à travers le Sahel». Mais pourquoi ce choix de partir ? «En 1968 - 1969, les tensions sociales et politiques étaient fortes. Des groupes extrémistes versaient dans le terrorisme. Révolte et frustrations m’ont donné soif de découvrir d’autres horizons culturels. L’Afrique m’attirait. Mieux valait suivre mes aspirations que de s’exténuer à lutter contre ce qui me déplaisait ». Cela pose évidemment la question de la fuite.  « Parfois - répond Blaise - la fuite sauve la vie. Elle offre le recul nécessaire et dans ce cas des points de comparaison  constructifs ».
 
A la fin de cette première période sur le continent africain, Blaise rentre en Europe, passe 3 ans aux Pays-Bas, puis s’installe pendant sept ans à Rouen (Haute-Normandie), en développant des relations avec les milieux sociaux les plus divers. « En rencontrant des destins de bandits, d’extrémistes, parallèlement à ceux de personnes conservatrices "rangées", je réalisais la chance d’être artistes et de trouver réponse à mes attentes dans la création. La encore s’offrait la possibilité de "lutter pour" plutôt que "contre"».
 
Il décide alors de repartir en Afrique où il vit pendant vingt ans, d’abord au Burkina Faso (dont il prendra la nationalité), puis au Sénégal. « J’ai appris au cours de cette expérience que la reconnaissance de soi, de l’autre et par l’autre est la base de la relation sociale et de la relation en général ». Selon lui, « la qualité de la reconnaissance qu’elle induit détermine celle d’une relation. La créativité personnelle qui autorise la faculté de se reconnaître, développe aussi la capacité à s’exprimer et, partant, celle de se situer par rapport à l’autre et à l’environnement.  L’enseignement pratiqué  dans ma culture d’origine, donne une place insuffisante au développement de cette créativité personnelle. Un enfant de trois ans spontanément créatif  est transformé en quelques années en un adulte qui n’ose pas choisir une couleur pour son appartement.  Les savoir-faire qui lui ont été transférés concernent principalement la productivité du bien être matériel. J’ai ainsi trouvé  dans le savoir vivre africain une complémentarité à celui de ma culture d’origine. La quête de la dignité et de la  "conscience tranquille" s’est adjointe à celle du "ventre plein" ».
 
C’est à partir de 1996 que la « réflexion sur la reconnaissance » a un effet plus visible sur le travail de Blaise. « Ces considérations m’ont amené à reconsidérer la marginalité de l’artiste et à travailler en prise directe avec mes voisins. J’ai commencé à utiliser la capacité de l’art à créer du lien entre les personnes tout en peuplant notre quotidien de créations participatives qui valorisent la créativité personnelle et collective de leur public. L’artiste, dans ce processus, s’emploie à mettre en valeur les participations à des ateliers créatifs animés à l’attention de publics les plus variés». Le but du processus créatif - dans ce cadre - est de faire en sorte que les gens puissent « se reconnaître dans l’œuvre publiée ».
 
A Bruxelles - où il vit depuis 10 ans, avec sa femme et ses deux enfants - son atelier réalise  « tableaux, événements, fresques, publications, outils de communications ou  objets dérivés »,  qui prennent vie à partir des productions sorties d’ateliers créatifs ouverts, « abordant différents médias d’art visuel : peinture, photographie, audiovisuel, numérique ». Les productions réalisées prennent part - pour la durée d’un événement  ou plus longtemps - au quotidien du grand public.
 
Blaise est directeur artistique des « ateliers pARTage », activité administrée au sein de la fondation SMartBe. Les « ateliers pARTage» sont liés au concept d’« Art Sociable », élaboré par Blaise Patrix. A l’échelle internationale, le projet « les ateliers pARTage 1  » (LAP1) soutenu par le Programme Culture de la Commission européenne - s’est clôturé en mai 2012 par le festival « Art links/L’art crée du lien », avec quatre conférences, douze expositions, quatre ateliers créatifs, deux ateliers de réflexion consacrés, le premier  à la collaboration entre travailleurs sociaux et artistes, et le second aux perspectives ouvertes  par les nouvelles technologies.
 
« Le projet LAP1 - explique Blaise -  a permis de faire le point sur la situation de l’Art Sociable au sein des courants participatifs d’art contemporain tout en collaborant avec et en recensant des initiatives similaires en Italie, Finlande et en Belgique, aux Antilles et en Afrique. Il a permis en outre d’explorer les potentiels de collaboration entre artistes et opérateurs sociaux engagés dans le travail social, l’entreprise et l’urbanisme».
 
Il s’agit d’initiatives qui permettent, à des personnes comme Blaise, d’enrichir Bruxelles avec des stimulations culturelles constantes et qui permettent aussi aux citoyens de participer et d'exprimer leur créativité.



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